Team building dans les nuages

Je rêve parfois d'embarquer mon équipe sur des pentes abruptes. J'ignore les principes d'un séminaire de team building, mais j'imagine assez bien qu'une floppée de mes collègues, suspendue à 3000 mètres au dessus de la vallée de Chamonix, les nez dans la poudreuse et les oreilles caressées par les nuages, retrouverait vite le sens des  priorités.

Priorité à la poésie, à l'harmonie des contrastes, à la pureté du moment. Priorité à la contemplation béate, à la magie de la lumière, à la brutalité des lignes, à la force des éléments.

La fragilité de l'existence redonne du goût à chaque seconde qui passe, la beauté de l'instant insuffle de la vie dans toutes vos artères. La montagne dessine les contours d'un nouveau monde, infiniment plus lyrique et aérien. Finies les crises existentielles parce que le fax ne marche pas, parce qu'on a perdu l'agrafeuse, que le tiroir du bureau n'a pas encore été réparé.

Le regard s'élève, les aspirations aussi. La pensée flotte et danse de nuage en nuage.

Finies les crises d'égocentrisme destructrices et  les mesquineries réductrices.

Le regard s'accroche sur les skis du guide, happé par la descente, adrénaliné par la vitesse. Seule la confiance en celui qui vous mène a du sens. Vos pas glissants suivent ceux de celui qui vous précède, chacun est seul face à la pente, mais avec les autres. L'individualisme n'est plus. Le groupe, si frêle soit-il, adoucit la peur du vide.

Des regards s'échangent, muets d'émerveillement, et redonnent un sens au mot partage.

Priorité à l'humilité. Priorité à la nécessité de survivre. A la grandeur d'un espace qui nous efface. Finis les débordements mégalomaniaques. Le moi n'est qu'un flocon évanescent, qui s'extasie d'être encore là malgré les turbulences de l'air et la chaleur des rayons de soleil.

Je rêve d'en embarquer quelques uns. Et pas seulement mes collègues de travail. Pour redéfinir le sens des mots gravité, essentiel et  vital.